Précepteur / professeur : quelles différences pour les élèves en situation de décrochage ?
Nous avons émis l’hypothèse, dans cet article, que le préceptorat pouvait être la solution pour les jeunes « décrocheurs » de l’école. Afin de préciser cette hypothèse, nous aimerions mieux définir ce qu’est un précepteur, et surtout quelle différence cela fait, pour des jeunes ayant des problèmes de « décrochage » d’être dans une structure fondée sur le préceptorat, plutôt que dans une classe, devant laquelle défilent tour à tour plusieurs professeurs. Nous explorerons aussi la spécificité du précepteur / professeur, enseignant aux deux casquettes.
Précepteur / professeur : deux figures à opposer ?
Selon Jean-Luc Cam, historien de l’éducation, ce serait une erreur de présenter le précepteur comme une figure opposée à celle du professeur, ou de l’instituteur. Dans l’histoire de France, jamais professorat et préceptorat n’ont été des mondes étrangers ni étanches l’un à l’autre. De nombreux enfants avaient un précepteur quand ils étaient petits, puis allaient dans une pension, un peu plus âgés, où c’était des professeurs qui enseignaient. Leurs précepteurs pouvaient être des étudiants qui allaient devenir professeurs, ou au contraire, des professeurs ou instituteurs retraités.
De même, le CPP est bien une école basée sur le préceptorat, mais elle ne s’est pas construite en opposition avec le système scolaire traditionnel. De nombreux précepteurs du CPP ont été professeurs dans des collèges et lycées publics ou privés, dans le passé, le sont en parallèle à leur travail au CPP, ou le redeviendront plus tard. Le précepteur / professeur est présent auprès des jeunes du CPP pour les aider à retrouver le goût et la capacité de l’apprentissage, qui ont été perdus à un moment, ce qui a pu arriver pour de nombreuses raisons, chaque histoire de décrochage étant spécifique.
Un précepteur, est-ce que c’est juste un professeur avec un seul élève?
Quand on pense « précepteur », on pense souvent à Aristote, qui était le précepteur d’Alexandre Le Grand, mais, en réalité, un précepteur avait presque toujours la charge de plusieurs enfants, souvent de la même famille. C’est donc une perception erronée d’imaginer que la situation de préceptorat était toujours une situation de « one to one ». La fratrie était une structure pédagogique en soi, et souvent il y avait entraide, compétition, ou émulation entre les membres d’une même famille, et le précepteur avait conscience de ces dynamiques. C’est par le biais du préceptorat que de nombreuses jeunes filles pouvaient avoir accès à une éducation similaire à celle des leurs frères, avant qu’ils ne soient envoyés dans des établissements séparés.
On retrouve même dans les archives des traces de structures avec un précepteur en chef, aidé d’autres précepteurs, ou « pédagogues », qui instruisaient plusieurs enfants, provenant des mêmes familles, ou non.
C’est plutôt sur ce modèle qu’a été pensé le CPP. Le ratio élèves/précepteur est de 5 pour 1, avec des variations selon les activités. Les journées ne sont pas organisées en heures de cours mais en modules d’apprentissage de 45 minutes, au cours desquels un précepteur va d’un élève à l’autre. Chaque élève peut travailler sur quelque chose de totalement différent et être le voisin d’un élève beaucoup plus jeune que lui, ou au contraire plus avancé dans sa scolarité. Nous avons remarqué que cela pouvait aider les plus jeunes à se projeter dans le futur, et apaiser ceux qui sont plus proches d’échéances angoissantes, comme le bac, ou le choix d’orientation, d’être à proximité d’élèves plus jeunes.
Précepteur et école à la maison.
Quand on rencontre la figure du « précepteur » dans la littérature, ou les archives historiques, le précepteur est au service d’une ou plusieurs familles, et exerce presque toujours dans le foyer de l’une d’entre elles. Le préceptorat pourrait dans ces conditions être assimilé à une sorte de « homeschooling » (« école à la maison »), avec l’aide d’un professionnel de l’éducation.
Sans entrer dans la polémique de l’école à la maison, qui peut s’avérer une bonne solution pour certains enfants (notamment ceux qui ont des besoins spécifiques, ou qui sont sportifs de haut niveau), le CPP propose autre chose : une forme mixte, entre préceptorat et école. Les jeunes quittent leur domicile chaque matin, se rendent dans un établissement, où ils retrouveront les mêmes camarades et les mêmes précepteurs chaque jour, mais, sur place, pas de salles de cours avec 30 élèves : plusieurs pièces, petites, moyennes et grandes, qui les accueillent pour la journée. Pas de cours magistral, mais des supports de cours conçus pour eux, sur mesure, selon leurs objectifs et leurs besoins, supports de cours qu’ils suivront avec l’aide d’un précepteur, qu’ils partagent le plus souvent avec quatre autres élèves.
Les langues étrangères, l’éducation physique et sportive, les arts plastiques, le théâtre : le précepteur / professeur.
Certaines activités ne se prêtent que mal au préceptorat, et dans ce cas, le précepteur a un rôle un peu plus similaire à celui d’un professeur qui n’aurait que très peu d’élèves à la fois. Il s’adresse bien à un groupe, et les cours sont conçus dans cet esprit. Toutefois, même dans ces conditions, les groupes restent très restreints, ce qui permet de garder à l’esprit les circonstances et besoins de chaque élève. Le précepteur / professeur d’éducation physique et sportive, ainsi, peut veiller sur les jeunes qui ont des difficultés particulières (problèmes respiratoires, handicap lié à la vue, ou à l’ouïe…), le précepteur / professeur de langues, savoir qui a des problèmes de dyslexie par exemple, et adapter le cours pour eux, le précepteur / professeur de théâtre, savoir qui souffre d’anxiété sociale, et lui permettre d’endosser des rôles moins pénibles …
Précepteur et élèves : une relation soignée
Les précepteurs soignent la relation qu’ils entretiennent avec leurs élèves. Les précepteurs ne sont pas des savants. Ils ne sont pas des personnes passionnées par le savoir qui sont bien obligés d’enseigner pour des raisons financières. Ce sont des personnes passionnées par la transmission qui placent l’individu au cœur de leur travail. Ils aiment « faire savoir » plutôt que savoir. Ils ne sont pas non plus uniquement spécialisés sur un sujet, mais sont comme des « super généralistes », qui manient l’interdisciplinarité avec aise et intelligence.
Le matin, le précepteur commence par regarder les devoirs, les corriger, et s’assure que l’élève a bien dormi. Anecdotique ? Les adolescents devraient passer au moins un tiers de leur temps à dormir. C’est autant de temps qu’ils passent à l’école. Et le sommeil est ce qui permet la consolidation des apprentissages. De nombreux troubles de l’apprentissage, et de nombreuses situations de décrochages sont liés à des troubles du sommeil, d’une façon ou d’une autre.
La posture du précepteur, ce n’est pas non plus celle d’un ami, ou d’un « pote ». La familiarité n’est pas encouragée (les plus jeunes des précepteurs ont déjà une dizaine d’années de plus que les plus âgés des élèves) et les percepteurs n’essaient pas de se faire plus jeunes qu’ils ne sont. Les jeunes n’ont pas besoin d’adultes qui jouent les « jeunes » mais d’adultes assumant leur identité d’adultes : imparfaits, mais responsables, compétents et généreux.
Médiation linguistique et préceptorat.
Les précepteurs du CPP utilisent la « médiation linguistique » avec les élèves du CPP. Ils ne se confrontent pas à l’esprit de leurs élèves, mais coopèrent avec eux. Ils leur permettent de partir de leurs propre structures mentales, et de les affiner, pour construire un discours intérieur cohérent et une meilleure maîtrise du langage.
Préceptorat et « pédagogie active »
sLa « pédagogie active » est « le propre de ce qu’apporte le précepteur ». Avec un précepteur, le jeune peut poser autant de questions qu’il le souhaite, essayer, avoir des éléments de réponse/feedback immédiatement (les précepteurs corrigent les devoirs chaque jour), ce qui lui permet de construire lui-même, de façon active, sa compréhension du monde.
Comme l’explique Stanislas Dehaene dans son ouvrage Apprendre!, la simple exposition passive au savoir n’est pas l’apprentissage ; les notes sont souvent des « feedbacks » très peu utiles : elles sont perçues comme sanctions (punitions, ou récompense), interviennent généralement plusieurs jours, voire semaines après la réalisation des devoirs, et sont trop vagues pour aider l’élève à se corriger. Pourtant, c’est l’erreur qui permet l’apprentissage. C’est quand il y a une différence entre ce qu’on avait anticipé et ce qui est en réalité qu’on apprend quelque chose. Il faut donc encourager l’erreur, les tentatives, les suppositions, et les rectifier, de façon neutre et dédramatisées, pour accompagner le jeune dans la construction de sa compréhension du monde.
Décrochage et curiosité : le principe de Boucles d’Or
Les enfants sont naturellement curieux. On le constate. La question que la plupart d’entre eux pose le plus souvent, c’est : « pourquoi » ? Mais alors comment expliquer que cette curiosité s’érode avec le temps ? Est-ce que l’école pourrait être responsable de cette perte de curiosité ? Il n’est pas question ici de jeter la pierre sur les professeurs ou sur un système qui fait ce qu’il peut. Mais le problème est que, pour continuer à être curieux, être dans la « zone », ou le « flow », il ne faut ni sombrer dans l’ennui, ni être envahi par l’angoisse, il faut un juste milieu : c’est ce qui est parfois appelé principe de Boucles d’Or. Un précepteur est capable de moduler le niveau d’apprentissage et surtout le rythme de celui-ci, en fonction des besoins de chaque jeune, pour qu’il n’ait ni trop peu, ni trop à apprendre et à comprendre à chaque instant.
Préceptorat et phobie scolaire
Il arrive que certains élèves soient devenus décrocheurs suite à un harcèlement dont ils ont pu être victimes dans une école, soit de la part d’un camarade, soit de la part d’un professeur. Dans une salle où il y a un seul adulte et 30 enfants, ou adolescents, il peut arriver que cet adulte, malheureusement, se permettent des termes, voire parfois des gestes, qui peuvent traumatiser un enfant pour de nombreuses années. « Tu n’y arriveras jamais ! », « Tu ne fais aucun effort ! », « Tu es un vrai nul ! » Ces phrases sont malheureusement parfois prononcées, et peuvent avoir un impact durable sur certains jeunes, surtout les plus sensibles.
Avec plusieurs adultes dans le même espace, il n’y a aucune chance que ce genre d’événement survienne. D’autant plus que ces adultes n’ont la charge que de 5 élèves la fois, qu’ils sont formés aux problèmes et besoins des jeunes qu’ils accompagnent (voir notre article sur les dys) et qu’ils ont fait le choix de s’investir auprès de jeunes ayant des difficultés. Comme le rappelait Daniel Pennac, qui lui-même a énormément souffert à l’école, les professeurs ne sont pas là pour terroriser les enfants !
D’autre part, le campus du CPP étant tout en verre, tout en transparence, il n’y a aucune chance qu’un cas de harcèlement entre élèves passe inaperçu.
La peur empêche d’apprendre. Des expériences ont montré que la peur fige la plasticité cérébrale, ce qui permet justement d’apprendre. Il a aussi été démontré qu’une fois qu’on n’est plus dans une situation d’angoisse, la plasticité cérébrale peut être rétablie, et l’apprentissage devenir facile à nouveau, et agréable.
Ce que l’on dit du Cours du Pont de Pierre …
« Nous tenions tous les trois à vous exprimer nos très sincères remerciements pour votre accompagnement constant, bienveillant, exigeant mais respectueux du rythme de M. (…) C’est chez vous que M. a pu se reconstruire pas à pas, reprendre confiance, respecter sa personnalité, trouver de nouveaux repères et envisager enfin l’avenir autrement.
C’est auprès de vous tous que nous, parents, avons trouvé confiance et apaisement par votre écoute, votre patience, votre ouverture à chercher sans cesse de nouvelles approches pédagogiques pour aider M. à apprendre jusqu’à trouver celle qui lui convenait, la souplesse, le dialogue, la disponibilité et l’optimisme !
Merci d’avoir créé cette école unique en son genre et qui répond à de vrais besoins chez ces jeunes plein de potentiel pour qui le système scolaire classique ne convient pas, c’est une cause tellement louable et importante mais aussi certainement épuisante, difficile à tout point de vue, merci de la mener avec tant de détermination ! Merci pour votre « souple fermeté » avec vos élèves, et le soin que vous mettez à garantir une cohésion et une bonne entente entre eux, celui aussi que vous cultivez à nourrir ces jeunes tant scolairement, mentalement, culturellement que physiquement. Merci pour ce cadre de travail, ces locaux, cette ambiance, qui est selon M. « parfaite », et bravo pour vos talents de sélectionneur : votre équipe pédagogique est très complémentaire, on vous sent tous « reliés » par les mêmes valeurs, c’est une équipe qui aime son travail, ses élèves, son école, chapeau ! (…)
« Voilà, je voulais tout simplement vous remercier pour cette année (…) Je me souviens du premier rendez-vous il y a maintenant 9 mois où on se lançait dans le plus gros défi de ma vie, reprendre les cours (…) ça n’a pas été facile tous les jours, ça a même parfois été vraiment très difficile, mais à chaque fois que je perdais espoir, vous étiez là pour me soutenir.
J’ai eu beaucoup de doutes, mais vous m’avez redonné confiance, vous m’avez fait grandir et avancer (…) »
« P. a retrouvé sa joie de vivre : il rit, blague, jongle, il est bien dans ses baskets grâce à vous et à votre école si attentive à chacun. C’est un vrai plaisir et un grand soulagement que de le voir s’épanouir en toute confiance, soutenu par ses professeurs. »
Le Cours du Pont de Pierre, pour réconcilier les élèves avec l’envie d’apprendre
Le Cours du Pont de Pierre, école privée hors-contrat (primaire, collège et lycée), est né d’un constat : certains élèves ne se sentent pas bien dans une classe de 30 élèves, quelle qu’en soit la raison, et recherchent une autre approche pour leurs apprentissages.
Cette école a été créée pour leur offrir un lieu d’apprentissage dans lequel le rapport qui lie l’élève et l’enseignant est revu, en diminuant le nombre d’élèves et en individualisant chaque enseignement.