3 avril 2020 -11h : Passage du bac pour les Candidats Libres et les élèves du Hors Contrat : Le Ministre a dû se tromper !
En cette période inédite du confinement, père d’une élève en classe de Terminale et Directeur d’un établissement secondaire privé, dit Hors Contrat, j’écoutais attentivement ce matin l’annonce du Ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, expliquer comment va se passer le bac cette année.
Après l’annonce des chiffres qui mentionne des volumes importants, cette année 740.000 élèves passeront le bac en terminale, le Ministre a détaillé les critères qui lui ont permis de faire se arbitrages : mettre en place un système égalitaire qui ne lèsera aucun élève et garantira la qualité et l’équité du diplôme du baccalauréat. Jusque là, je suis 100% d’accord avec lui, j’abonde même dans son sens.
Après les explications claires pour les écoles publiques et sous contrat d’association avec l’Etat, le Ministre a dit une seule phrase dans laquelle il a torpillé tous les principes énoncés précédemment : « Pour les candidats libres et les élèves du Hors Contrat, ils passeront un bac au mois de septembre, selon les modalités habituelles ».
De qui parle-t-on ?
Mais qui sont les élèves qui se cachent sous ces dénominations ? Combien sont-ils ? Pourquoi ne sont-ils pas comme les autres ?
Les élèves qui présentent leur bac en candidat libre suivent un enseignement à distance comme le CNED dans sa version non réglementée, ou travaillent par eux-mêmes avec plus ou moins d’aide, souvent parce qu’ils ne se sont pas senti bien dans le système scolaire traditionnel. Les raisons sont multiples et variées : harcèlement, précocité intellectuelle, sport-étude, phobies scolaires ou sociales, handicap, problèmes de santé, troubles en dys etc.
Les élèves qui sont dans des écoles privées hors contrat le sont souvent parce qu’ils recherchent autre chose car le système traditionnel ne leur convient pas pour les raisons précédemment indiquées. En effet ces écoles ne sont pas financées par l’Etat, les familles choisissent donc de payer une école, non pour le plaisir, mais parce qu’il est nécessaire de trouver une solution qui aide leur enfant à réussir leurs études, à s’instruire.
Pour donner une idée de la population concernée, les élèves qui présentent le bac en candidat libre et les élèves des établissements hors contrat représentent près de 50.000 élèves en France en terminale, soit sur les 740.000 élèves présentés, cela fait près de 7% de la totalité des élèves, ce qui est tout sauf négligeable.
Où est la cohérence ?
Mais que s’est-il passé ce matin lors de la conférence de Presse du Ministre ? Une soudaine monté de fièvre liée au virus ? Dans sa phrase : « Pour les candidats libres et les élèves du Hors Contrat, ils passeront un bac au mois de septembre, selon les modalités habituelles » le Ministre vient de faire deux contradictions majeures aux principes énoncés !
En effet, ces deux contradictions sont le temps : le mois de septembre, et le fonctionnement : des épreuves selon les modalités habituelles. Revenons sur chacune d’elle.
Le passage du bac au mois de septembre pour ces élèves signifie plusieurs choses :
1. Un accès difficile et très incertain aux études supérieures. En effet, comment ces enfants vont-ils être admis quand habituellement les dossiers sont validés mi-juillet avec les résultats du baccalauréat ? Ils ne l’auront même pas encore passé ! Leurs résultats seront connus au mieux mi-septembre. Les universités en France ou à l’étranger, les écoles supérieures ou autres vont-ils les attendre ? Ce n’est vraiment pas certain.
2. Un été compliqué, dédié à travailler et gérer son stress, après une année particulièrement stressante et difficile si on se souvient des 6 semaines de grève qui les ont pénalisés, puis un confinement inédit d’une durée indéterminée. Est-il nécessaire d’ajouter du stress à ces jeunes qui n’ont pas été épargnés ? A cela s’ajoute sur le plan social la nécessité de se justifier tout l’été lorsque la question de l’obtention du bac leur sera posée. Ils devront expliquer qu’ils sont différents, que ce n’est pas qu’ils ne l’ont pas, mais qu’ils ne l’ont pas encore passé parce qu’ils ne passent pas le même bac, mais que c’est quand même le même bac… dans une période de construction de soi, ce n’est pas recommandé.
Le passage des épreuves selon les modalités habituelles implique de passer toutes les matières à l’écrit et à l’oral, comme normalement. Cela n’aurait rien de choquant si tout le monde devait le faire comme c’est le cas chaque année, mais ce n’est pas le cas cette année puisqu’au cours de cette conférence de Presse le Ministre a indiqué que le contrôle continu serait retenu, avec une ou deux épreuves. Tous les élèves ne passeront pas le même bac !
En tant que père de famille, citoyen et directeur d’école, je suis profondément choqué par cette double ou triple peine infligée à ces enfants, par cette discrimination. Où est l’égalité et l’équité dont parle le Ministre. Comment peut-il dire que 50.000 élèves ne sont pas lésés par la solution qu’il propose ? Je ne vois pas d’autre hypothèse qu’une erreur, sans doute due à la précipitation dans laquelle lui et ses équipes se trouvent. Il a dû sous-estimer ce point. Cela sera pardonnable s’il est réparé.
Monsieur le Ministre, je vous en conjure, mettez en place une solution plus juste pour ces dizaines de milliers d’élèves qui leur permettent d’être fixés sur l’obtention de leur bac avant le 15 juillet, ainsi vos principes d’égalité et d’équité seront respectés, et aucun élève ne sera lésé. Autrement, nous devrons faire appel au Conseil d’Etat pour qu’il veille à faire respecter les fondamentaux de notre République. Monsieur le Ministre, nous comptons sur vous !
Grégoire van Steenbrugghe
Ce même jour, sur France 2, dans le journal de 20h, le Ministre reviendra sur sa position et reconnaîtra que les élèves des écoles hors contrat seront considérés comme des élèves des écoles publiques ou sous contrat ! Bravo et merci Monsieur le Ministre.
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